La formation en économie fait ses états généraux
8 avril 2013Économie
L’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) accueillait dans son enceinte du boulevard Raspail les états généraux de l’enseignement de l’économie dans le supérieur. Derrière ce nom se cachent une poignée d’étudiants, le collectif PEPS-économie, prêts à faire changer les choses.
Ils sont doctorants en économie et ils sont arrivés à la conclusion que l’enseignement qui leur est distillé ne leur permet pas de comprendre la crise et donc de la combattre. Ils se sont réunis et ont élaboré ensemble une proposition de maquette d’enseignement (l’emploi du temps et les cours prodigués – voir plus bas) qu’ils ont proposé à une assemblée d’étudiants et d’enseignants samedi 6 avril 2013.
Leur constat est cruel : aujourd’hui « on n’apprend rien » en étudiant l’économie. L’histoire de la pensée représente selon eux 1,7% des cours proposés. En ce qui concerne l’actualité, et donc l’application concrète des théories enseignées, ils se montrent encore plus amers :
« L’infime place concédée aux problèmes économiques contemporains (1,6 %) confirme enfin la difficulté à faire le lien entre enseignements théoriques et réalités concrètes. Pour le dire clairement : l’enseignement de l’économie à l’université ne parle presque pas de ce qui se passe dans le monde. C’est aberrant. »
Extrait de leur tribune, diffusée le 2 avril dans Le monde éco&entreprise.
Le capitalisme enseigné par le capitalisme
Pour ces étudiants, les postulats sur lesquels se base l’enseignement de l’économie ne tiennent plus car en ces temps de crise le marché ne s’autorégule pas. Il faut donc enrichir ces outils d’analyses avec ceux des autres courants de pensée. En toile de fond du débat, la question est de savoir si l’économie est ou non une science exacte, ce que ces étudiants réfutent.
La pluralité dans l’enseignement, se défendent-ils, n’est pas une simple logique d’opposition à l’économie de marché. Ils prennent pour exemple les « post-keynesiens qui disent que le capitalisme marche seulement s’il est extrêmement régulé » et dont la pensée n’est pas plus abordée que les autres.
L’ambitieux projet de refonte de l’enseignement de l’économie s’adresse en priorité aux étudiants en licence qui, au sortir du lycée, pourraient obtenir dès le début « un regard critique, une maturité qu’on a mis des années à acquérir » faute de pluralité.
Leurs idées sont nées dans l’esprit de quelques-uns, étudiants et professeurs, ce samedi 6 avril boulevard Raspail. Les propager sera complexe tant les interlocuteurs à convaincre, ministère, universités, enseignants, sont nombreux. Plus que le coût financier, la volonté, l’envie de se remettre en question, la complexité à corriger une copie qui ne soit pas une suite de cases à remplir constituent les principaux obstacles à la transformation d’une science exacte, mathématique, en une véritable science sociale.
Voir l’entretien en entier avec trois représentants du collectif PEPS-économie (9 minutes)
Ilka Vari, Arthur Jatteau et Louison Cahen-Fourot sont tous trois doctorants en économie.
Les questions :
0’10 : Qu’apprend aujourd’hui un étudiant en économie ?
1’40 : Le capitalisme et le libéralisme ne sont-ils pas ce monde, cette réalité qu’il faut enseigner ?
3’25 : Ces états généraux vous ont-ils fait évoluer dans vos idées et vos propositions ?
4’47 : Proposer un enseignement pluriel n’est-il pas trop complexe pour des étudiants à peine sortis du lycée et sans forcément une conscience politique ?
6’36 : Une telle réforme aurait-elle un coût financier quantifiable ?
7’37 : En vous opposant au système capitaliste et à l’enseignement de ce système, ne prenez-vous pas le risque de vous marginaliser et de limiter l’impact de votre réforme à quelques heures de cours chaque semaine ?